Alimentation des grands brûlés adultes en période de réhabilitation

Chaque année, plus de 400.000 Français sont victimes de brûlures, dont plus de 8000 doivent être hospitalisés, ce qui place ces affections parmi les blessures les plus dévastatrices selon Santé Publique France.

On note une majorité de cas chez les adultes (2 patients sur 3) et chez les hommes.

Une prise en charge pluridisciplinaire et une évaluation régulière de l’état nutritionnel du patient permettra d’optimiser le parcours de cicatrisation.

Principes de cicatrisation de la brûlure

Divers facteurs déterminent la gravité de la brûlure (Fondation des brûlés n.d.) :

  • L’âge du patient
  • Les zones lésées
  • La profondeur de la brûlure
  • L’étendue de la surface corporelle brûlée

Plus le pourcentage de surface corporelle brûlée est important, plus le métabolisme augmente (pouvant atteindre jusqu’à 100% chez les brûlés graves).

L’hypermétabolisme et l’hypercatabolisme

Pour toute agression cutanée, un processus de défense est défini par l’organisme : ce sont les états d’hypermétabolisme et d’inflammation qui vont déclencher une cascade d’évènements dont l’ampleur dépend de la sévérité de la lésion.

Ces états engendrent une augmentation du métabolisme de base, de la résistance à l’insuline et de la lipolyse, en provoquant un hypercatabolisme physiologique, qui peut durer des mois, voire des années.

Pour anticiper l’hypermétabolisme, les besoins en énergie et en protéines sont augmentés.

Si carence protéino-énergétique il y a, les protéines corporelles contenues dans la masse maigre du patient (organes, os, masse musculaire et eau) vont être utilisées comme source d’énergie (appelé catabolisme), ce qui augmente considérablement le risque d’infections.

Un facteur important : les apports en micronutriments dont le cuivre, le sélénium, le zinc et les vitamines A, B1, C, D, E et K.

Ils jouent un rôle primordial dans le processus de cicatrisation, prévention des infections, le maintien de l’homéostasie (équilibre d’eau extra et intra cellulaire) et la régulation de la phase inflammatoire.

Les acides gras essentiels (oméga-3 et oméga-6) agissent également au niveau de la réponse inflammatoire et sont des composants structurels de la membrane cellulaire.

Rappelons que la peau est l’organe le plus grand et le plus lourd chez l’homme et représente 15% du poids corporel.

Les personnes brûlées sont donc à haut risque de déficit en micronutriments à cause du phénomène d’exsudation (suintement).

Le risque, pour les patients brûlés, est donc que leurs apports alimentaires ne soient pas en adéquation avec leurs besoins.

Les objectifs de la prise en charge sont donc d’éviter une malnutrition et prévenir les déficits en micronutriments, protéines et masse musculaire.

La nutrition a ainsi pour but de permettre une meilleure cicatrisation.

Les apports nutritionnels conseillés en post brûlure

En conséquence à l’hypermétabolisme et au catabolisme, les apports de la personne brûlée seront majorés.

Rappelons que nous traitons du patient brûlé adulte en période de réhabilitation.

Energie : Les apports journaliers conseillés sont de 35 kcal/kg et varient en fonction de la gravité de la blessure et du degré de cicatrisation.

Les protéines sont nécessaires à la régénération cellulaire et à la synthèse du collagène. Une carence en protéines affectera toutes les phases de la cicatrisation. Les recommandations sont de 1.2 à 1.5g/kg/j, soit 15 à 25% des calories journalières.

Les lipides sont divisés en 3 grandes classes d’acides gras : les acides gras saturés, les monoinsaturés et les polyinsaturés. Les saturés, présents dans la charcuterie, sont à consommer avec modération, mais les acides gras monoinsaturés et polyinsaturés peuvent être introduits dans l’alimentation sans risque : ils sont essentiels pour les réponses anti-inflammatoire et immunitaire, la qualité de la peau et éviter les carences en vitamines liposolubles (ADEK). On retrouve les acides gras monoinsaturés dans les poissons gras et les polyinsaturés dans les huiles végétales. Globalement, les recommandations sont de 20 à 30% des calories journalières.

Les glucides sont indispensables à la cicatrisation comme source énergétique pour la réponse inflammatoire.

Il existe deux types de glucides : les glucides simples (présents dans les fruits et les produits sucrés) et les glucides complexes ou féculents (céréales, légumineuses). Les apports nutritionnels conseillés sont de 50 à 55% des calories journalières, sans dépasser 30g de sucre simple (soit 7 morceaux de sucre ou une canette de soda). Il est recommandé de consommer des féculents complets (riz complet, pâtes complètes..) pour maintenir une bonne glycémie.

La vitamine A améliore la réponse immunitaire, protège la couche superficielle de la peau (épithélium) et accélère la cicatrisation. On trouve cette vitamine dans les fruits et légumes orangés ou à feuilles, dans les produits laitiers (beurre, lait) ou dans les produits d’origine animale (jaune d'œuf, abats et huile de foie de poisson). Les recommandations sont de 1μg par jour.

ANSES : une très grande prudence est de mise en cas de grossesse ou de désir de grossesse. En effet, l'excès de vitamine A est associé à des malformations congénitales. Les femmes enceintes ne devraient pas consommer de foie de façon régulière, car cet aliment contient de grandes quantités de vitamine A directement assimilable. En revanche, les apports alimentaires de provitamine A (fruits et légumes colorés) sont sans danger, même durant la grossesse. De plus, des apports élevés (supérieur à 1500 μg par jour) augmentent le risque de fracture chez les femmes ménopausées et la supplémentation en β-carotène chez le fumeur augmente le risque de cancer du poumon.

La vitamine B1 est une vitamine essentielle à la cicatrisation et à l’hydratation de la peau. On la trouve principalement dans des aliments d’origine animale et les apports journaliers conseillés sont de 1,2mg chez l’homme et de 1,1mg chez la femme.

La vitamine C est un antioxydant puissant qui joue un rôle majeur dans le processus de cicatrisation et veille au bon état des muqueuses et de la peau. Les sources sont exclusivement d’origine végétale et les recommandations sont de 100mg/jour.

La vitamine D est composé de deux “sous-vitamines” : la vitamine D2 qui est présente dans l’alimentation, et la vitamine D3 qui est produite par la peau lors de l’exposition aux rayons ultraviolets (soleil). Du fait de sa biodisponibilité, c’est une vitamine dont les grands brûlés sont souvent carencés, il est donc important de veiller à supplémenter si besoin. Cette vitamine permet un bon fonctionnement du système nerveux et immunitaire, prévient les faiblesses musculaires et lutte contre les pathologies osseuses. Elle est présente dans le jaune d’œuf et les poissons gras (concentration supérieure dans l’huile de foie de morue). Les besoins sont estimés entre 20 à 35 μg/jour.

La vitamine E assure la protection des membranes cellulaires, permet d’éviter les phlébites et diminue la fatigue. Les sources sont exclusivement végétales : huiles, germes et oléagineux. Les recommandations sont de 12mg/jour.

La vitamine K veille au bon fonctionnement du processus de coagulation (rôle antihémorragique) et aide à la fixation du calcium sur l’os. Les légumes, huiles végétales et abats sont les principales sources de vitamine K dont les besoins sont de 70μg/jour.

Le zinc est un acteur clé du renouvellement cellulaire et est nécessaire au bon fonctionnement du système immunitaire. Les sources sont très variées : viandes, poissons, œufs, produits laitiers et légumes secs. Les apports conseillés sont de 12mg chez l’homme et de 10mg chez la femme.

Le cuivre est l’un des micronutriments piliers de la cicatrisation. Il intervient dans la minéralisation de l’os et lutte contre l’anémie (aide à la formation des globules rouges et favorise l’absorption du fer). Il est présent dans les légumes secs, les abats et les produits de la mer. Les besoins journaliers sont de 1.3mg pour l’homme et 1mg pour la femme.

Le sélénium est le second grand pilier de la cicatrisation. Il a un rôle de modulateur des réponses inflammatoires et immunitaires et favorise l’amélioration de la cicatrisation. Les besoins journaliers sont de 70μg et peuvent être apportés par la viande, le poisson ou les œufs.

L’eau reste également un élément indispensable à l’alimentation. L’apport journalier conseillé est d’1L5 minimum.

Pour conclure on pourrait mettre l’accent sur l’importance de la nutrition tout au long du parcours de soin et notamment sur les nutriments notés dans le tableau ci-dessus.

Ces valeurs dépendent, entre autres, des pathologies ou intolérances du patient.

La période de réhabilitation peut être plus ou moins longue selon la gravité de la brûlure et les pathologies ou lésions associées. Il est d’autant plus important de prêter attention à ses apports nutritionnels pour que le processus de cicatrisation soit optimisé !

Charlotte Piqueras

Diététicienne nutritionniste spécialiste brûlologue

Conflits d’intérêts : Néant

Remerciements : Je remercie le Professeur Jacques Latarjet de m’avoir parrainée et de m’avoir permis de m’insérer dans le milieu de la brûlologie. C’est un réel modèle et puit de savoir. Sincères amitiés.

Sources :

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